La lecture de la semaine: Une si longue lettre – Mariama Bâ (Ed. 1979)
A la suite de L’hibiscus pourpre (les détails ici), la lecture de la semaine (Une si longue lettre – Mariama Bâ) nous emporte pour ce numéro dans la société africaine où l’auteure scrute dans un style épistolaire les conditions des femmes et le poids de la société traditionnelle qui pèse sur elles. Dans de nombreuses sociétés africaines, les femmes doivent vivre dans le silence les affres de l’infidélité des hommes puisque les us et coutumes leur offrent des largesses dont ils abusent. Elles sont obligées de subir pour plusieurs raisons, qu’il s’agisse du regard de la société, des enfants et pourquoi pas, de l’amour, croyant peut-être un retour à la raison du conjoint.
Image de Mariama BÂ
Dans son roman “Une si longue lettre” publié en 1979 aux Nouvelles Éditions Africaines et traduit en plus de 25 langues, la première femme écrivaine sénégalaise Mariama BÂ (cliquez ici pour découvrir l’auteure) dépeint avec sa plume employant des mots au saveurs uniques la place occupée par la femme dans notre société malgré ses efforts d’indépendance et ses sentiments face à l’infidélité de son conjoint. Au coeur de la lecture de la semaine, Ramatoulaye, le personnage principal de ce roman épistolaire est l’archétype de la femme africaine qui voit s’écrouler comme un château de sable, vingt-cinq années de vie commune suite à l’infidélité de son mari. C’est la genèse de l’égrenage d’un chapelet d’événements autant malheureux qu’heureux.
Sommaire
L’histoire en bref
Ramatoulaye est une femme détruite et meurtrie par l’infidélité de son mari. Dans une longue lettre écrite au cours de sa période de veuvage, elle raconte à son amie Aïssatou qui a connu une situation similaire à la sienne, son vécu depuis l’infidélité de son conjoint.
Jeune institutrice mariée très tôt, belle fille et belle soeur exemplaire, elle a su s’armer de patience et de tolérance pour supporter sa belle famille. Après vingt-cinq années de mariage concrétisées par la naissance de magnifiques enfants, elle vit le ciel lui tomber sur la tête, son monde basculer un dimanche au crépuscule lorsqu’elle apprend de la bouche des émissaires envoyés par son mari que celui-ci prenait une seconde épouse.
“Modou te remercie (…) Dieu lui a destiné une seconde femme; il n’y peut rien” lui rapporta son beau-frère.
Et pour le coup de grâce, sa coépouse n’est autre que la meilleure amie de sa fille aînée qui passait régulièrement à la maison pour la préparation du Baccalauréat.
Malgré le mécontentement de plusieurs et surtout de sa fille aînée “Romps maman, chasse cet homme (…), je ne te vois pas te disputant un homme avec une fille de mon âge” ; Rama au pied du mur fit un rétro sur elle même:
“Ma minceur avait disparu (…), la jeunesse désertait mon corps, aucune illusion possible”.
Elle sait qu’elle n’est pas la seule dans cette galère. Elle pense aux femmes:
“Ton cas Aïssatou, le cas de bien d’autres femmes méprisées, reléguées ou échangées, dont on s’est séparé comme d’un boubou usé ou démodé”.
Elle chercha des excuses pour son mari comme pour le défendre ou le comprendre :
“Folie ou veulerie? Manque de cœur ou amour irrésistible ? (…) pour épouser Binétou ?”
Elle se perdit entre ses sentiments “Partir ? recommencer à zéro ? (…) cette responsabilité à la fois morale et matérielle?” ; et ses fautes :
“J’essaie de cerner mes fautes dans l’échec de mon mariage (…), je devancais ses moindres désirs.”
Elle prit alors une décision difficile:
“Et, au grand étonnement de ma famille, désapprouvée unanimement par mes enfants influencés par Daba, je choisis de rester.”
Contre tout attente, elle tient bon malgré que son mari, celui qu’elle idolâtrait presque a déserté le domicile conjugal et démissionné de son rôle de père:
“Il ne vint plus (…), Il nous oublia. En plus de mes anciennes charges, j’assumais celles de Modou.”
Malgré sa situation, elle plaignait sa coépouse Binétou qui a été forcée au mariage par sa mère pour sortir de la misère:
“Mais que peut une enfant devant sa mère (…) sa soif de vivre ?” (…) “Binétou est un agneau immolé (…) sur l’autel du matériel.”
Rama n’est pas au bout de ses peines lorsqu’elle apprit que son mari fut admis aux urgences. À son arrivée, elle apprit la triste nouvelle du trépas de son époux déjà couvert du drap blanc qui le sépare de ce monde. Elle s’exécuta aux rites du veuvage et se fortifia pour ses enfants afin de leur insuffler la force nécessaire pour traverser cette nouvelle étape.
Même emporté par le cheval pâle, Modou continua de la blesser. Lors de la mise à jour des biens et dettes laissés par le défunt, elle mesura avec effroi, l’ampleur de la trahison de son mari. Mort sans un sou, Modou a hypothéqué la maison où elle vit avec leurs enfants, ce nid de souvenirs tristes et joyeux, pour offrir un logement de luxe à sa jeune épouse. N’eut-été l’aide de son Beau-fils, elle se retrouverait à la rue.
La goutte de trop fut la proposition de son beau-frère de devenir son épouse. Elle refusa avec véhémence et s’en suivra le défilé de potentiels époux. Elle resta fidèle à ses convictions malgré les pressions internes et externes:
“Ma vérité est que malgré tout, je reste fidèle à l’amour de ma jeunesse.”
Entre-temps, Rama a guidé ses enfants du mieux qu’elle put durant leur adolescence où ils se découvrirent. Elle dut soutenir sa fille qui tomba enceinte au cours de sa scolarité et recadrer son “trio” sur le tabagisme.
Un bouquin à savourer cette semaine
Envie de nourrir votre esprit de quelques pages d’un classique de la littérature africaine et féministe des premières heures, la lecture de la semaine vous donne un avant goût d’une si longue et belle lettre signée la pionnière Mariama Bâ. (cliquez ici pour une brève bibliographie)
Allons découvrir, vivre et ressentir les sentiments de Ramatoulaye, cette femme qui pourrait prendre le visage de votre femme, mère, soeur ou voisine.
Résumé :Trahison dans une si lettre
[…] la suite d’Une si longue lettre, la lecture de la semaine nous emporte pour ce numéro dans une Afrique complexe. L’auteur nous […]